Igor Stravinsky
Igor Stravinsky est né le 17 juin 1882 à Oranienbaum en Russie, mais il passa toute son enfance à Saint-Pétersbourg. Igor était le troisième d'une famille de quatre enfants. Malgré le fait que son père soit un chanteur de renom, le jeune Stravinsky n'a que très peu de contacts avec la musique classique dans sa jeunesse. En 1890, à huit ans, La Belle au bois dormant de Tchaïkovski et plus tard Une vie pour le tsar de Glinka restent ses deux seules expériences de concert importantes de son enfance. Igor commence des leçons de piano à l'âge de neuf ans. Ce que le jeune enfant aimait le plus faire au piano, c'était improviser, malgré les nombreux reproches qu'on lui faisait.
Son père l'inscrit à la faculté de droit de Saint-Pétersbourg en 1901. Durant la même période, il prend des leçons d'harmonie et de contrepoint. Le point tournant de l'éducation musicale de Stravinsky est sa rencontre avec Nikolaï Rimski-Korsakov pendant l'été 1902. Le célèbre compositeur, lui déconseillant le Conservatoire, lui dit qu'il serait prêt à lui enseigner une fois qu'il aurait acquis les notions élémentaires d'harmonie et de contrepoint. C'est l'été suivant que Rimski-Korsakov commence à lui donner des leçons, après avoir entendu sa Sonate pour piano en fa dièse mineur. Ces enseignements, qui continuèrent jusqu'à sa mort, se sont principalement centrés sur l'art de l'orchestration et des formes classiques.
Igor Stravinsky épouse en 1906 sa cousine Catherine Gavrilovna Nossenko qui lui donnera quatre enfants : Fiodor (dit Théodore) en 1907, Lioudmilla en 1908, Sviatoslav (dit Soulima) en 1910 et Milena (dite Milène) en 1914.
La création du Feu d'artifice, le 6 février 1909, est décisive pour la carrière du compositeur, car Serge de Diaghilev est présent. Au moment où Diaghilev découvre Stravinsky, il est déjà très populaire à Paris, non pas avec des ballets, mais plutôt avec des concerts de musique russe et des opéras, dont la création française de Boris Godounov. Au début de 1909, il s'attaque au ballet. Pour Les Sylphides, Diaghilev demande à plusieurs compositeurs d'orchestrer des pièces de Chopin. Impressionné par le Feu d'artifice qu'il vient de voir, il demande à Stravinsky d'orchestrer le Nocturne en la bémol majeur et la Valse brillante en mi bémol majeur destinés à son futur spectacle.
Au cours de l'été, alors que Diaghilev part pour Paris où il rencontre un succès extraordinaire avec sa première saison des Ballets russes, Stravinsky se retire à Oustiloug en Ukraine, pour composer le premier acte de son opéra Le Rossignol. Cependant, il devra interrompre sa composition puisque Diaghilev lui commande un premier ballet. Pour sa nouvelle saison, il désirait présenter une œuvre inédite, inspirée de la légende de l'oiseau de feu. Anatoli Liadov devait à l'origine en écrire la musique, mais étant un compositeur trop lent, il décida de se tourner vers Stravinsky, qui était alors âgé de vingt-sept ans. L'immense succès de L'Oiseau de feu, créé le 25 juin 1910, fait du compositeur une vedette instantanément.
Après L'Oiseau de feu, les deux prochains ballets que Stravinsky composera pour la troupe de Diaghilev marqueront un changement de direction dans son approche musicale. Alors que L'Oiseau de feu est encore bien ancrée dans la tradition post-romantique héritée, entre autres, de Rimski-Korsakov, Petrouchka, créé le 13 juin 1911, marquera une rupture importante. Stravinsky y abandonne toute l'harmonie chaleureuse et « magique » de L'Oiseau de feu, caractérisée entre autres par l'utilisation abondante du chromatisme. Il utilise maintenant la « polytonalité » et la juxtaposition de séquences rythmiques.
Les deux années suivantes, Stravinsky compose très peu de pièces : deux cycles de chants et une brève cantate mystique, Le Roi des étoiles. Cependant, il compose ce qui va devenir probablement son œuvre la plus célèbre et qui lui assurera définitivement une place parmi les compositeurs les plus marquants du xxe siècle. Il s'agit du Sacre du printemps. Sa création eut lieu le 29 mai 1913 au Théâtre des Champs-Élysées, à Paris, sur une chorégraphie de Vaslav Nijinski et sous la direction musicale de Pierre Monteux.
Les années suivantes voient Stravinsky aborder des formations plus restreintes, alors que les activités de Diaghilev et des Ballets russes sont interrompues par la guerre.
Entre 1914 et 1917, Stravinsky compose Les Noces, relatant un mariage paysan russe. Cependant, n'arrivant pas à se décider quant à l'instrumentation de l'œuvre, il ne l'achèvera que six ans plus tard, pour voix, quatre pianos et percussions. C'est entre 1915 et 1916 que le compositeur termine Renard (pour quatre voix et dix-sept musiciens), d'après le conte populaire russe du renard et du coq.
En 1917, au lendemain de la Révolution de Février, Stravinsky passe quelque temps à Rome, en compagnie de Diaghilev, Massine, Bakst, Cocteau, Ansermet et, surtout, Picasso, avec qui il développe une grande amitié et qui fera de lui trois portraits célèbres (un en 1917 et deux en 1920). Stravinsky se trouve à ce moment dans une situation matérielle très précaire, arrivant difficilement à nourrir sa femme et ses quatre enfants. Il imagine donc, en collaboration avec l'écrivain Charles-Ferdinand Ramuz et le chef d'orchestre Ernest Ansermet, un spectacle de poche ambulant. Ce sera L'Histoire du soldat, spectacle pour trois récitants et sept musiciens, terminé en 1918. L'œuvre qui suivra marquera un tournant très important dans la carrière du compositeur, car il s'agit de sa première composition de sa période dite néoclassique.
Pendant la période de la guerre, Stravinsky habitait principalement en Suisse (avec un voyage en Italie et un autre en Espagne).
Avec Pulcinella (1920), d'après Pergolèse, débute la période dite « néoclassique » de Stravinsky. Elle dure jusqu'à la composition de l'opéra The Rake's Progress, en 1951. Il emprunte alors aux musiques de : Machaut, Bach, Weber, Rossini, Tchaïkovski et d'autres, mais avec un humour, un métier et une originalité n'ayant rien de ceux d'un épigone.
Du printemps 1921 à l'automne 1924, Stravinsky vit à Biarritz sur la côte basque. Ses amis Ravel, Alexandre Benois, Arthur Rubinstein, mais surtout Coco Chanel et une riche Chilienne qui deviendra son mécène, Mme Errazuriz, l'avaient encouragé dans ce choix. À la fin 1924, la famille déménage à Nice. Cette période voit naître deux nouvelles œuvres de grande ampleur et aux sujets sévères: l'opéra-oratorio Œdipus Rex (1928), suivi du ballet Apollon musagète (1928), et la Symphonie de psaumes (1929-1930).
En 1940, Stravinsky se réfugie aux États-Unis. Il est possible de distinguer deux phases dans la période américaine de Stravinsky, la première depuis la Symphonie en ut (1940) jusqu'à l'opéra The Rake's Progress (1951). La seconde débute autour de 1950 et se poursuit jusqu'à Threni (1958).
Son style se fait dépouillé, d'une grande austérité, et l'inspiration religieuse occupe une place importante, avec Threni (1958), œuvre maîtresse, Abraham et Isaac (1963) dédiée à la nation d'Israël et chanté en hébreu, le lugubre Introïtus (1965) ou encore les ultimes Requiem canticles (1966) qui semblent un résumé de toute son œuvre. Citons encore Mouvements pour piano et orchestre (1959) très webernien d'allure et les méconnues Variations (Aldous Huxley In Memoriam) pour orchestre (1963) où le vieux lion tient la dragée haute à toute la jeune génération : plusieurs passages font penser au Karlheinz Stockhausen des Gruppen.
Après plusieurs jours à l'hôpital, il passe l'été 1970 à Évian-les-Bains où il reçoit sa famille, ce sera son dernier séjour en Europe puisqu'il meurt d’un œdème pulmonaire le 6 avril 1971 à New York après avoir présenté The Rake's Progress. Selon ses dernières volontés, il est enterré quelques jours plus tard à Venise, dans le cimetière de l'île de San Michele.