Bertolt Brecht
Bertolt Brecht est un dramaturge, metteur en scène, critique théâtral, écrivain auteur de romans1 et récits en prose et poète allemand du xxe siècle (naturalisé autrichien en 1950).
Bertolt Brecht, Eugen Berthold Friedrich Brecht de son nom complet, est d'origine bourgeoise, fils d'un père catholique, dirigeant d'une fabrique de papier, et d'une mère protestanten. Il commence à écrire très tôt (son premier texte est publié en 1914) et entame des études de philosophie, puis de médecine à Munich. En 1918, à vingt ans, il est mobilisé à la fin de la Première Guerre mondiale comme infirmier. L'horreur de la guerre aura comme pour les surréalistes français, une importante influence sur lui. La même année, il écrit sa première pièce, Baal, dans un style lyrique qu'il délaissera par la suite. Il chante des écrits pacifistes à Augsbourg, puis à Munich et rompt les liens qui l'attachaient encore à sa famille.
Suivent les pièces Tambours dans la nuit en 1919 qui lui vaut le prix Kleist en 1922 et Dans la jungle des villes. On découvre dans ses premières œuvres, telle que Baal, des traits de caractère anarchiste. Il est alors très influencé par Erwin Piscator ou Max Reinhardt. Il est engagé comme conseiller littéraire en 1923 à Munich, puis, à Berlin en 1924, il rejoint le Deutsches Theater de Max Reinhardt, avec l'actrice Hélène Weigel, qui monte ses pièces. La même année, Elisabeth Hauptmann devient sa maîtresse et sa collaboratrice. Viennent ensuite Homme pour homme (1927) et Grandeur et décadence de la ville de Mahagony. Ces pièces provoquent une polémique, jusqu'en 1928 où il crée L'Opéra de quat'sous (musique de Kurt Weill), un des plus grands succès théâtraux de la république de Weimar qui, grâce à un malentendu4, lui assure le succès.
À partir de 1930, les nationaux socialistes commencent à interrompre avec véhémence les représentations des pièces de Brecht. Il épouse alors Hélène Weigel, et devient marxiste. L'arrivée au pouvoir des nazis les force à quitter l'Allemagne en février 1933, après que leur domicile fut perquisitionné. L'œuvre de Brecht est interdite et brûlée lors de l'autodafé du 10 mai de cette même année. Il parcourt l'Europe, et en juin 1933 il s'installe au Danemark (à Svendborg à partir d'août 1933). Il écrit et rencontre des amis, dont Hanns Eisler, Karl Korsch, et Walter Benjamin.
En 1935, le régime nazi le déchoit de sa nationalité allemande. Il participe la même année au Congrès international des écrivains pour la défense de la culture, à Paris, et dirige conjointement avec Lion Feuchtwanger et Willi Bredel, la rédaction d'une revue intitulée Das Wort dont le premier numéro paraît en 1936. Le but avoué de cette revue est d'unir l'intelligentsia antifasciste d'Allemagne autour d'un idéal prôné par l'Internationale communiste. Forcé à la fuite en 1939, il s'installe en Suède, puis en Finlande, puis, après une traversée en bateau au départ de Vladivostok, il s'installe en Californie en 1941. Durant cette période, il écrit une grande partie de son œuvre dont La Vie de Galilée, Mère Courage et ses enfants, La Bonne Âme du Se-Tchouan, La Résistible Ascension d'Arturo Ui (attaque contre Hitler), Le Cercle de craie caucasien et Petit Organon pour le théâtre, dans laquelle il exprime sa théorie du théâtre épique et de la distanciation. Parallèlement, il travaille à Hollywood, ce qui le conduit notamment à l'écriture du scénario du film antinazi Les bourreaux meurent aussi (Hangmen Also Die), qui sera réalisé par Fritz Lang en 1943.
Chassé des États-Unis en 1947 en raison du maccarthysme, il se rend alors en Suisse. Les Alliés lui refusant le visa qui lui aurait permis de s’installer en RFA, c'est grâce aux Tchèques qu'il peut rejoindre la RDA. En 1949, il s'installe définitivement à Berlin-Est et fonde avec sa femme le Berliner Ensemble où il exprime ses prises de position socialistes. Il reprend et précise le théâtre épique fondé par Piscator qu'il oriente autour de l'effet de distanciation (Verfremdungseffekt) et qui s'oppose à la tradition d'un théâtre dramatique d'identification. Son théâtre n'étant pas assez conforme aux dogmes du réalisme socialiste, les autorités de la RDA se méfiaient beaucoup de lui. Les communistes lui reprochaient d'être trop « formaliste », trop « cosmopolite » et trop « pacifiste ». Ses pièces péchaient par l'absence de héros ouvriers positifs. De plus, il ne fut jamais membre du Parti socialiste unifié d'Allemagne, le parti unique. En 1950 il obtient la nationalité autrichienne (il était apatride depuis 1935).
Les œuvres collectives et les méthodes de travail en collaboration sont inhérentes à l'approche de Brecht, comme Fredric Jameson (entre autres) le souligne. Jameson décrit le créateur de l'œuvre non pas comme Brecht l'individu, mais plutôt comme «Brecht: un sujet collectif qui « devait certainement avoir un style distinctif (celui que nous appelons aujourd'hui «brechtien»). Au cours de sa carrière, Brecht a eu des liens durables avec de nombreux artistes : écrivains, compositeurs, scénographes, metteurs en scène, dramaturges et acteurs; la liste comprend: Elisabeth Hauptmann, le dramaturge, metteur en scène et poète Heiner Müller, les Margarete Steffin, Ruth Berlau, Slátan Dudow, Kurt Weill, Hanns Eisler, Paul Dessau, Caspar Neher, Teo Otto, Karl von Appen, Ernst Busch, Lotte Lenya, Peter Lorre, Thérèse Giehse, Angelika Hurwicz, Carola Neher et Helene Weigel elle-même. C'est "le théâtre comme expérience collective […] comme quelque chose de radicalement différent de théâtre comme expression ou comme une expérience." (Jameson).