La Monnaie


Construit après le bombardement de Bruxelles par l'armée française (1695) sur les ruines de l'hôtel où l'on battait monnaie, le Théâtre sur la Monnoye est dû aux architectes vénitiens Paolo et Pietro Bezzi. L'électeur Maximilien-Emmanuel de Bavière, gouverneur des Pays-Bas espagnols, avait chargé son trésorier, Gio Paolo Bombarda2, d'établir une nouvelle salle de spectacle publique au cœur de la ville. L'inauguration a lieu vers la fin de l'année 1700 et sa première représentation mentionnée par la gazette en ses murs, est celle d’Atys, de Lully, le 17 octobre 1700, donné pour les dix-sept ans du roi Philippe V d’Espagne, en présence des gouverneurs. Le répertoire de Lully et Quinault occupe l'essentiel de la scène durant vingt-cinq ans et cède le pas, en 1727, aux opéras vénitiens dont la gouvernante Marie-Élisabeth est friande. Les années 1730 à 1745 se caractérisent par un changement incessant de direction, certaines troupes essuyant une banqueroute après quelques semaines seulement. En 1744, Charles-Alexandre de Lorraine devient gouverneur des Pays-Bas autrichiens et va, après la parenthèse française, donner un nouveau coup de projecteur sur la scène bruxelloise, souvent considérée comme la deuxième après Paris.
En 1745 arrive à Bruxelles Jean-Nicolas Servandoni, dit D'Hannetaire, mais l'invasion des troupes françaises du maréchal de Saxe ne lui laisse pas le temps de s'installer à la tête du Théâtre de la Monnaie. Maurice de Saxe fait en effet appel à Favart pour diriger la scène bruxelloise, entouré d'une troupe nombreuse. Il y présentera la plupart des œuvres qu'il avait données à l'Opéra-Comique de Paris.
Après le départ des troupes françaises, les directeurs se succèdent à une cadence soutenue : D'Hannetaire reprend la direction du théâtre en 1748, puis Jean-Benoît Leclair, frère du musicien Jean-Marie Leclair, la reprend l'année suivante, pour la céder aussitôt à d'autres directeurs, comme l'Italien Francesco Crosa ou les frères Hus. En 1752, Jean-François Fieuzal, dit Durancy (qui était venu dans les Pays-Bas avec Favart), inaugure une ère de plus grande stabilité. Il cède pourtant la main, trois ans plus tard, à D'Hannetaire, qui s'associe au comédien Gourville. En 1766, les « Comédiens ordinaires de S.A.R. » (le prince Charles de Lorraine) s'associent à l'instar de la Comédie-Française et cette société de comédiens régnera sur « la Monnaie » une douzaine d'années. Cette période est fortement marquée par l'essor de l'opéra-comique, que Favart avait apporté à Bruxelles, pour le plus grand plaisir du public.
Dès 1772, une figure marquante prend la tête des comédiens associés et donne une nouvelle impulsion au répertoire de la scène bruxelloise : Ignaz Vitzthumb, ancien timbalier de la cour et chef d'orchestre du Théâtre de la Monnaie, met à l'honneur des productions de grande envergure et, avec son comparse Louis Compain-Despierrières, il invite des artistes parisiens à remonter leurs œuvres à Bruxelles, voire à en créer spécialement pour la Monnaie.
Ainsi, en 1774, Vitzthumb demande à Pleinchesne et à Philidor de monter le nouvel opéra Berthe. Philidor ayant décliné l'offre, c'est finalement Vitzthumb qui en composera la musique.
Tandis que Vitzthumb dirige la troupe, Compain prospecte à Paris : il découvre de nouveaux talents comme Dazincourt, Larive, Florence et Grandmesnil qui, après avoir débuté à Bruxelles, poursuivront tous une brillante carrière à la Comédie-Française.
À partir de la saison 1773-1774, sous l'impulsion du codirecteur Vitzthumb et vraisemblablement inspirée par des soucis d’ordre financier, la Monnaie commence à programmer des pièces traduites en néerlandais et jouées par une troupe flamande appelée Opéra ou Spectacle flamand, issue des compagnies locales de Bruxelles et ostensiblement sous-payée par rapport aux acteurs de l’Opéra français.
Mais en 1776, la direction Vitzthumb court à la faillite et, l'année suivante, le théâtre passe aux mains de trois associés, Louis-Jean Pin, Alexandre Bultos et Sophie Lothaire, tandis que Vitzthumb garde la direction musicale de l'orchestre. Cette période s'avère aussi ruineuse que la précédente, d'autant plus que Charles-Alexandre de Lorraine meurt en 1780 et, avec lui, l'intérêt que le gouvernement porte aux spectacles. Dix ans plus tard, la Révolution brabançonne bouleverse non seulement l'effectif de la troupe et les finances, mais aussi le répertoire : avec l'arrivée des troupes françaises de Dumouriez en 1792, Mademoiselle Montansier prend possession du Théâtre de la Monnaie et y fait jouer des pièces révolutionnaires, reléguant aux oubliettes la plupart des opéras-comiques prisés par le public.
En 1795, le régime français se met en place à Bruxelles et la Monnaie n'aura plus qu'un statut de « théâtre de province », mais où de nombreux acteurs français viendront cependant « faire leurs planchers ».
Complètement délabré et atteint de vétusté, le bâtiment de Bombarda est rasé en 1818 et l'architecte Louis Damesme conçoit une nouvelle salle inaugurée le 25 mai 1819 par une représentation de La Caravane du Caire de Grétry. Le théâtre passe dès lors sous l'administration de la Ville de Bruxelles et se dégage de la tutelle du Royaume uni des Pays-Bas. De grands artistes viennent en représentation, tels que Talma, Mlle Mars, Laure Cinti et la Malibran, la troupe s'enrichit de personnalités comme Jenneval, le ballet est dirigé par Petipa et Marie Lesueur en est la première danseuse.
Le 25 août 1830, pour le 59e anniversaire de Guillaume Ier, on donne La Muette de Portici, grand opéra d'Auber, sur un livret de Scribe et Delavigne : l'air Amour sacré de la patrie déclenche la Révolution de 1830. Le théâtre est fermé pendant plusieurs semaines et ne reprend ses activités régulières que l'année suivante.
La plupart des opéras de Rossini, Auber, Meyerbeer, Boieldieu, Donizetti et Verdi restent longtemps à l'affiche et de nombreuses œuvres sont représentées pour la première fois en français.
Le 21 janvier 1855, le théâtre est entièrement détruit par les flammes, ne laissant debout que les quatre murs. Rebâti presque à l'identique, le nouveau théâtre est inauguré le 24 mars 1856 par une représentation de Jaguarita l'Indienne, opéra-comique d'Halévy.
Après la chute de Tannhäuser à Paris (1861) et à la suite de la guerre franco-prussienne de 1870, Richard Wagner trouve à Bruxelles le lieu idéal pour créer ses œuvres en français : le Théâtre de la Monnaie devient ainsi, de 1870 à 1914, la capitale française du wagnérisme.
Après la création du Ballet du xxe siècle en 1960 et les immenses succès populaires des ballets de Maurice Béjart, le Théâtre devient l’« Opéra national » sous la direction de Maurice Huisman à partir de la saison 1963-19643 et acquiert une dimension et une réputation internationale.
La loi du 19 avril 1963 en fait un établissement public dénommé « Théâtre Royal de la Monnaie ». Puis en 1985, une importante rénovation a été faite dont une partie est conduite par l'architecte Charles Vandenhove qui s'est occupé du décor du salon qui est refait en marbre noir et blanc tandis que le bureau d'architecture URBAT (architectes : Pierre Puttemans, Jacques Aron et Frédéric De Becker) se charge de la surélévation et des rénovations importantes, Cette rénovation a permis de moderniser la salle et de lui restituer ses couleurs d'origine, même si le résultat fut sujet à controverse.
C'est une des plus grandes maisons d'opéra d'Europe, surtout depuis que Gérard Mortier en a assuré la direction de 1982 à 1992. Bernard Foccroulle lui a succédé durant quinze ans et a ouvert l'institution à la danse contemporaine, notamment en mettant en résidence à la Monnaie la chorégraphe Anne Teresa De Keersmaeker. 
Les productions sont visibles gratuitement en streaming sur le site internet de la Monnaie pendant trois semaines.